Hauteur sous plafond des logements neufs : obsolescence programmée ?

En plus de 80 ans, la hauteur sous plafond des appartements neufs est passée d’en moyenne 2,67 mètres à 2,40 mètres. Alors que dans le même temps, les Français sont de plus en plus grands. Et si ce phénomène continuait, au point qu’il ne soit bientôt plus possible de tenir debout dans une pièce et de rendre la plupart des logements neufs obsolètes dans un futur plus ou moins proche ?

Image d'article
Image figurative générée par intelligence artificielle.

Baisse de la hauteur sous plafond des logements

C’est une tendance qui se poursuit à bas bruit dans la construction de logements neufs. La moyenne des hauteurs sous plafond des appartements neufs baisse depuis des décennies. Alors qu’elle s’établissait à 2,67 mètres avant 1945, elle est désormais en moyenne à 2,4 mètres.

Les raisons de cette tendance, qui peut susciter des interrogations, sont multiples :

  • Améliorer l’isolation thermique et les performances énergétiques
    Abaisser la hauteur sous plafond des logements permet dans un premier temps de réduire le volume d’air dans une pièce, ce qui permet de la chauffer ou de la refroidir plus facilement en consommant moins. Aussi, l’isolation thermique, qui passe par l’ajout d’un faux plafond dans lequel on vient placer un isolant, entraîne également une baisse de la hauteur sous plafond. La réglementation thermique 2012 (RT2012) puis la réglementation environnementale 2020 (RE2020), qui imposent un certain niveau de performances énergétiques pour les constructions neuves, ont alors poussé indirectement à construire des logements avec une hauteur sous plafond réduite.

  • Améliorer l’isolation phonique
    Réduire les nuisances sonores, dont les bruits que font les voisins du dessus, est incontestablement une source de confort. Mais l’amélioration de l’isolation phonique passe obligatoirement par un épaississement des planchers, qui correspond à la couche d’isolant que l’on vient rajouter. Cela se traduit alors bien souvent par une baisse de la hauteur sous plafond d’un logement.

  • Construire plus d’étages et augmenter les revenus
    Dans un contexte où la hauteur totale d’un projet de construction est limitée par les règlements d’urbanisme, réduire la hauteur sous plafond des logements permet de construire plus d’étages, et donc plus de logements. Cela permet alors aux constructeurs d’amortir le plus possible le coût du terrain et d’encaisser plus de revenus lors de leurs opérations. Ils sont donc incités à réduire le plus possible la hauteur sous plafond des logements, en particulier des appartements.

  • Aucune réglementation n’impose une hauteur sous plafond minimale
    Aussi étonnant que cela puisse paraître, en France il n’y a aucune réglementation qui fixe une hauteur sous plafond minimale lors de la construction de logements. Les constructeurs sont alors libres de les déterminer eux-mêmes.

Concernant les maisons, celles-ci sont relativement épargnées par cette baisse. La moyenne des hauteurs sous plafond des maisons stagne aux alentours de 2,5 mètres depuis 1945.

Augmentation de la taille de la population

Cela fait maintenant plusieurs décennies que la taille moyenne de la population est en augmentation. Concrètement, les Français sont de plus en plus grands.

Dans le détail, les femmes mesuraient en moyenne 1,60 mètre en 1940 contre 1,64 mètre en 2019, soit une augmentation d’environ 4 centimètres en 80 ans. Quant aux hommes, ils mesuraient en moyenne 1,71 mètre en 1940, contre plus de 1,78 mètre en 2019, soit une augmentation de l’ordre de 7 centimètres.

Cette évolution de la taille des Français, que l’on retrouve dans bon nombre de pays, vient principalement des progrès dans le domaine de la santé mais aussi d’une meilleure nutrition. Il n’y aurait rien de pire pour la croissance qu’une malnutrition ou une sous-nutrition, comme ça peut être le cas encore dans certains pays très pauvres mais aussi par le passé lors de grandes famines.

Actuellement, les Pays-Bas sont le pays où les citoyens sont les plus grands. Les femmes y mesurent 1,70 mètre en moyenne et les hommes 1,83 mètre.

Hauteur sous plafond des logements neufs : obsolescence programmée ?

En représentant l’évolution de ces 2 données sur un même graphique, on constate clairement que les courbes se rapprochent de plus en plus. En effet, tandis que la différence entre la hauteur sous plafond des appartements neufs et la taille des Français était d’environ 1 mètre avant 1945, celle-ci est désormais réduite à près de 60 centimètres.

Image d'article
Les courbes se rapprochent.

Alors, en appréciant tout ce qui vient d’être écrit et en visualisant le graphique ci-dessus, des interrogations nous viennent naturellement à l’esprit. Et si les Français continuaient d’être de plus en plus grands, au point de rendre des millions de logements inhabitables dans quelques années ? Que se passerait-il ? Est-ce que les millions de logements construits depuis les années 2000 seront à terme inhabitables pour la population ?

À vrai dire, je n’en ai pas la réponse. Mais à chaque période, les courbes semblent se rapprocher de plus en plus. Concrètement, la distance entre le sommet de la tête d’un Français qui se tient debout dans un appartement neuf et le plafond de ce même logement n’a jamais été aussi courte. Dans les faits il reste encore de la marge, environ 62 centimètres pour les hommes et 80 centimètres pour les femmes.

Concernant les logements, c’est presque trop tard pour les millions qui ont déjà été construits. Leur hauteur sous plafond n’est pas modifiable, à moins d’une restructuration complète de l’immeuble, qui serait très coûteuse et imposerait la suppression d’un ou plusieurs étages ainsi que la modification de toutes les ouvertures en façade, du réseau d’eau, etc. Pour les futurs logements, la tendance pourrait s’inverser : les appartements construits demain pourraient de nouveau afficher une hauteur sous plafond moyenne de 2,5 mètres ou plus.

Concernant les Français, ils sont en moyenne toujours plus grands. Ce phénomène s’est poursuivi en 2025. Toutefois, cette croissance est lente, à peine 1 centimètre par décennie. Aussi, d’après certains scientifiques, l’humanité serait en train d’atteindre les limites de son potentiel génétique. En clair, les humains devraient voir leur taille stagner dans les décennies et siècles à venir. D’après les scientifiques, il serait donc peu probable que les humains aient un jour une taille moyenne d’environ 2,5 mètres.

“Les anciens, qui étaient en moyenne plus petits que nous, construisaient des logements avec une plus grande hauteur sous plafond. Ce qui offrait un confort et un certain esthétisme aux logements que l’on ne retrouve plus aujourd’hui dans les constructions neuves.”

Ainsi, il y aurait peu de chances que les appartements neufs construits depuis les années 2000 deviennent totalement inhabitables dans le futur. Et si cela venait à se produire, ce ne serait pas dans 10 ou 50 ans, mais au minimum à la fin du siècle, voire du siècle prochain.

Toutefois, cette situation génère déjà des problématiques qui pourraient s’amplifier à l’avenir.

  • Premièrement, même si elles sont rares, les personnes très grandes mesurant plus de 2 mètres existent et sont de plus en plus nombreuses. Dans l’histoire, une vingtaine de personnes ont même dépassé les 2,4 mètres. Alors, avant même que les logements soient inhabitables par la majorité de la population (si c’est le cas un jour), ils le deviendront déjà pour une très faible minorité, qui risque d’augmenter au fil des ans. D’abord 0,001 % de la population, puis 0,01 %, 0,1 %, 1 %, 5 %, etc.

  • Deuxièmement, avant même que la hauteur sous plafond ne pose un problème, c’est la hauteur des encadrements de portes, qui sont toujours plus basse que celle des plafonds, qui suscitera des problèmes. Se baisser à chaque passage de porte ne rend pas un logement inhabitable mais le rend très inconfortable. Dans les faits, cette problématique existe déjà. Dans les constructions modernes postérieures à 1945, beaucoup d’encadrements de porte sont d’une hauteur de 2 mètres. Aussi, certaines portes d’entrée de vieux bâtiments, dont on retrouve souvent la trace dans les vieilles villes, ont des hauteurs inférieures à 1,80 mètre.

  • Troisièmement, une hauteur sous plafond basse crée un effet de tassement, en particulier dans les grandes pièces, ce qui tend à rendre le logement moins agréable à habiter.

Pour conclure, même si la population continue de grandir, il est peu probable que les appartements neufs construits dans les années 2000 deviennent tous inhabitables dans un futur proche. Et si c’est le cas un jour, cela ne sera pas avant la fin du siècle et même la fin du siècle prochain. Mais ce phénomène doit quand même nous interroger et il serait inquiétant qu’il se poursuive. Car si la moyenne des hauteurs sous plafond des appartements neufs continue de baisser pour s’établir à 2,30 ou 2,20 mètres, il pourrait y avoir des problèmes bien plus rapidement. Les anciens, qui étaient en moyenne plus petits que nous, construisaient des logements avec une plus grande hauteur sous plafond. Ce qui offrait un confort et un certain esthétisme aux logements que l’on ne retrouve plus aujourd’hui dans les constructions neuves. Affaire à suivre donc…


Pierre-Louis DENIS
Auteur du livre Les principes de l'immobilier